"Islamogauchisme", université : l'offensive du pouvoir contre les savoirs | Claude Gautier
Octobre 2020 : après l'assassinat de Samuel Paty par un fanatique djihadiste, le ministre de l'éducation nationale Jean-Michel Blanquer incrimine "l'islamogauchisme" qui ferait des ravages à l'université et soutiendrait le terrorisme. Cette fake news est massivement reprise dans les médias français et endossée par la ministre de la recherche et de l'enseignement supérieur Frédérique Vidal, qui demande une enquête au CNRS.
Janvier 2022 : une parodie de colloque est organisée dans un amphithéâtre de la Sorbonne sous le titre « Après la déconstruction : reconstruire les sciences et la culture », pour dénoncer pêle-mêle l'"islamogauchisme", le "wokisme", le "décolonialisme" ou encore les méfaits du féminisme qui séviraient dans l'enseignement et la recherche. Essayistes, universitaires et journalistes réactionnaires y enchaînent des interventions bien peu scientifiques et non dépourvues d'outrances diverses, sous le patronage du ministère de l'éducation nationale (Jean-Michel Blanquer a co-financé l'opération et fait une allocution introductive) et avec la caution de l'HCERES, l'instance supérieure d'évalution de la recherche, dont le président Thierry Coulhon (nommé par le gouvernement) participe aux conclusions.
C'est l'attaque générale contre les libertés intellectuelles et universitaires illustrée de façon frappante par ces deux épisodes que l'historienne Michelle Zancarini Fournel et le professeur de philosophie Claude Gautier analysent dans un livre d'intervention intitulé "De la défense des savoirs critiques. Quand le pouvoir s'en prend à l'autonomie de la recherche".
L'historien Julien Théry reçoit Claude Gautier, qui revient aussi sur les enjeux réels du débat actuel, dans les sciences sociales, autour de l'intersectionnalité et des "studies", c'est-à-dire les études centrées sur le point de vue des dominés. Claude Gautier évoque en particulier la controverse survenue, l'année dernière, autour du livre de Gérard Noiriel et Stéphane Beaud, "Race et sciences sociales", qui mettait en discussion la pertinence et la place trop importante désormais donnée, selon eux, aux approches centrées sur les discriminations raciales.
L'entretien porte aussi sur les difficultés du monde universitaire français à réagir face au processus de démantèlement du service public d'enseignement et de recherche lancé sous Nicolas Sarkozy avec la LRU (loi sur l'autonomie des universités), poursuivi par les socialistes au pouvoir avec François Hollande et accéléré récemment sous la présidence d'Emmanuel Macron avec la LPPR (loi de programmation de la recherche).
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