Quand l’Assemblée nationale fait le bilan mais ne dit pas tout
Le lundi 4 juillet, Joseph Lembi, rapporteur du bureau de l’Assemblée nationale, s’est présenté devant la presse pour revenir sur le travail parlementaire lors de la session ordinaire de mars, clôturée le 15 juin. Un seul objectif : démontrer que le bilan est positif, avec notamment 22 lois adoptées. Mais qu’en est-il vraiment ?
Bonjour,
Je m’appelle Trésor Kibangula. Je suis analyste et coordonnateur des recherches sur la politique à Ebuteli, institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence. Vous écoutez le 19e épisode de la saison 2 de Po Na GEC, capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche indépendant basé à l’Université de New-York, et d’Ebuteli, son partenaire de recherche en RDC. Chaque semaine, ce podcast donne notre point de vue sur une question d’actualité en RDC.
Nous sommes le vendredi 8 juillet 2022.
Lorsque tout observateur avisé entend le bilan officiel enjolivé de la session ordinaire de mars 2022, il peut facilement percevoir beaucoup de non-dits. S’il y a eu 22 lois adoptées, ces textes concernent essentiellement des accords de prêts, des ratifications des traités et des prorogations systématiques, tous les 15 jours, de l’état de siège dans le Nord-Kivu et l’Ituri.
En fait, une seule proposition de loi a été adoptée au cours de cette session. Il s’agit de celle modifiant et complétant la loi électorale. Rappelons que ce texte a été déposé depuis le 17 septembre 2020 par 10 députés essentiellement issus du G13.
Ce que l’Assemblée nationale ne dit pas non plus, c’est qu’une quarantaine de projets de loi et propositions de loi attendent depuis plusieurs mois leur adoption, voire leur examen en plénière ou en commission. Dans le jargon parlementaire congolais, on les qualifie d’« arriérés législatifs ». Une vingtaine d’autres nouvelles matières n’ont pas connu meilleure issue.
Prévoyant sans doute les critiques sur cette improductivité législative, le bureau de l’Assemblée nationale explique qu’il a préféré « laisser beaucoup plus de temps » aux députés lors de l’examen de la proposition de loi modifiant et complétant la loi électorale « dans le seul but de rechercher le large consensus ». Ce serait la raison principale pour laquelle d’autres initiatives législatives n’ont pas évolué, alors qu’elles nécessitent aussi la même diligence. C’est le cas par exemple du projet de loi portant modalités d’application de l’état d’urgence et de l’état de siège, de la proposition de loi modifiant la loi de 2018 relative au statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués et de la proposition de loi portant dissolution du Conseil national de suivi de l’accord et du processus électoral (CNSA). Ces deux derniers textes auraient pu pourtant contribuer à apporter des réponses au débat concernant la réduction du train de vie des institutions.
L’Assemblée nationale se félicite par ailleurs d’avoir aussi traité « plusieurs initiatives » relatives au contrôle parlementaire. Pour la première fois depuis l'avènement de la troisième République, un ministre, celui de l’Économie, a même été destitué à l’issue d’un vote de défiance. Mais rien n’est dit sur d’autres initiatives de contrôle parlementaire restées lettres mortes : l’interpellation de Jules Alingete, inspecteur général - chef de service de l’Inspection générale des finances (IGF), la motion de défiance contre Daniel Aselo, vice-Premier ministre de l’Intérieur, et plus de 15 questions orales ou écrites ont été déposées mais jamais programmées pour débat.
Si cette session ordinaire a été marquée par un nombre élevé de projets de loi émanant du gouvernement, elle a également été pauvre en termes de textes de réforme structurelle. Même l’important projet de loi de programmation militaire, très longtemps attendu, n'a été déposé qu’à la veille de la clôture de la session. Ainsi, à défaut d’une prolongation de cette session comme celle de mars 2021, l’Assemblée nationale a habilité le gouvernement à légiférer sur cette matière par ordonnance-loi.
Décidément, le « temps des réformes », chaque fois annoncé au début des travaux, à l’Assemblée nationale, ne pointe toujours pas son nez.
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