Cloé Korman, écrivaine de la nuance et de la profondeur, est l’invitée du 94e épisode de La Poudre. Avec Lauren Bastide, elles ont parlé de la Muette, de Bobigny et de Marseille. L’édito de Lauren : Depuis trois ans, les actes antisémites flambent partout en France. On profane des cimetières, des symboles à la mémoire de Simone Veil ou d’Ilan Halimi. On révèle la présence de groupuscules néo-nazis, notamment au sein de l’armée française. On insulte. On caricature. On tue. La haine des juifs et des juives s’exprime partout, tout le temps, de façon décomplexée, il y a encore quelques jours sous forme de graffitis sur la façade de Sciences Po Paris. La rabbine et brillante essayiste Delphine Horvilleur le dénonçait déjà il y a deux ans dans l’épisode 46 de La Poudre que je vous invite à réécouter. Récemment, sur Radio Classique, elle disait : « La montée de la haine antisémite est un prélude à une haine qui va frapper tout le monde. Il est urgent de lutter contre la dissociation qui s’opère souvent dans l’espace publique entre l’antisémitisme et les autres formes de racisme. Car l’antisémitisme est un racisme. » Et c’est ce rappel salutaire qu’est venue faire l’écrivaine Cloé Korman dans son essai « Tu ressembles à une juive » paru en 2020. C’est aussi une romancière bouleversante. Je suis encore éblouie par les éclats de lumière de « Midi », dont je vous recommande chaudement la lecture. Et je suis très honorée de la recevoir dans La Poudre aujourd’hui. Résumé de l’épisode : Cloé Korman est l’autrice de plusieurs romans et de l’essai « Tu ressembles à une juive » paru il y a un peu plus d’un an (10:47). Dans cet ouvrage dont l’intention est toujours autant d’actualité, elle décrypte en quoi l’antisémitisme est une forme de racisme ainsi que les liens étroits entre ces différentes manifestations des discriminations et des haines (16:14). Elle rappelle l’ancrage de l’antisémitisme dans la société française (18:22) et la reconnaissance encore partielle et tardive de la responsabilité de l’état français dans la déportation des personnes juives. Le refus de faire face à cette partie de notre histoire prend pour elle des formes très concrètes, comme la cité de la Muette qui, de camp d’internement au cœur de la politique de déportation de la France, est devenu lieu d’habitation pour des populations précaires où le racisme étatique s’exprime encore (22:09). Ayant grandi à Boulogne-Billancourt, elle est plongée très jeune dans l’engagement politique de ses parents et témoigne de l’incrédulité qui régit les rapports de sa famille à l’état. Une méfiance vis-à-vis des institutions qui la pousse sans cesse à remettre en question les discours officiels (28:10). La langue est un outil qui lui est cher et les mots ont pour elle une substance concrète qui peut autant la réjouir que la blesser. C’est parce qu’elle est sensible à toute leur portée qu’elle cultive la nuance dans la façon de les brandir (32:21). Elle s’en empare d’ailleurs dans ses romans pour raconter des histoires pleines d’ombre et de lumière, une complexité qui touche autant aux espaces urbains qu’aux rapports sociaux. De son passage par les États-Unis, elle a retiré une capacité à témoigner des rapports de domination sans rendre les mots responsables des situations qu’ils décrivent. Si elle n’hésite pas à prendre la plume pour exprimer ses positions politiques dans des tribunes (05:05), elle aimerait aussi avoir la même liberté que les groupes dominants de parfois laisser sur le bord de la route la colère crée par les discriminations pour avoir le loisir de créer sans limite et sans assignation (48:17). Son écriture qui cherche à galvaniser sans céder à la simplification est un remède puissant aux maux d’aujourd’hui dont on ne peut que vous recommander la lecture. Bonne écoute, et continuez de faire parler La Poudre ! La Poudre est une émission produite par Nouvelles Écoutes Réalisation et générique : Aurore Meyer-Mahieu Programmation et coordination : Gaïa
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