La sinologue Anne Cheng est l’invitée du 72e épisode de La Poudre, le troisième de notre série #ellespensentlapres, mêlant parcours personnel et réflexions sur la situation actuelle comme sur le monde à venir. Avec Lauren Bastide, elles ont parlé de Confucius, de sinophobie et de vanité.
L’édito de Lauren :
Cette crise nous oblige à nous demander à quoi on sert. Il y a ceux et surtout celles, qui ont des métiers essentiels à la société. Celles qui sont sur le front, à se battre contre la maladie, à soigner nos ancien·ne·s, à nous nourrir, à nous assurer un environnement propre et sain. Je voudrais remercier ces femmes-là et leur faire la promesse qu’on ne les oubliera pas demain, quand il faudra se battre pour qu’elles soient rémunérées à la hauteur de leur importance et traitées avec le respect qui leur est dû. Moi je fais partie des confiné·e·s, des professions dites intellectuelles, des bullshit jobs, des télétravaillants, des pas essentiel·le·s, des utiles, à la rigueur. Mais j’ai la chance inouïe de faire le travail le plus merveilleux du monde : interviewer des femmes. Je suis plus reconnaissante que jamais d’avoir ce privilège-là. Il me permet de poursuivre avec vous le cycle #ellespensentlapres en compagnie de l’une des plus grandes penseuses que j’ai jamais rencontrées. Anne Cheng est sinologue et professeure au Collège de France. J’avais eu la chance de l’interviewer une première fois pour mon émission Les Savantes, sur France Inter, il y a deux ans de cela. Je voulais qu’elle vienne ici, dans La Poudre, partager avec vous ce savoir immense qu’elle détient sur la Chine. Il m’a semblé que c’était urgent et elle a accepté mon invitation. Bande de veinardes et de veinards !
Résumé de l’épisode :
Anne Cheng est sinologue et professeure au Collège de France depuis 2008. Directrice de collection et autrice de nombreux ouvrages, sa vision sur les liens entre la France et la Chine est éclairante. Née à Paris en 1955, elle grandit en France avec son père, François Cheng, poète et membre de l’Académie française (11:07). Sa mère, repartie en Chine juste avant la Révolution culturelle, ne pourra à nouveau entrer en contact avec elle que dix ans plus tard. Anne Cheng se réapproprie son lien avec la Chine en s’attaquant à 26 ans à la traduction d’un texte fondateur : les entretiens de Confucius (16:36). Elle crée ainsi des attaches au pays d’origine de ses parents par un biais qui lui est propre (23:00). Au travers de son parcours de chercheuse, elle étudie en profondeur les origines et les reconfigurations diverses du lien entre la France et la Chine : depuis les idées reçues plutôt positives au XVIIe siècle – bien que biaisées par les objectifs des Jésuites (29:50) –, en passant par les premières traces de sinophobie après le XVIIIe, jusqu’aux clichés racistes hérités de la période coloniale. Clichés qui ressortent avec violence aujourd’hui, bien que le racisme contre les personnes asiatiques ne date pas d’hier : elle, comme ses filles en ont d’ailleurs déjà fait les frais par le passé (40:08). Cette histoire ancienne et tortueuse qu’elle étudie depuis longtemps est à présent teintée des effets de la mondialisation, dans laquelle la Chine a une place centrale, ce que la crise actuelle rend incontestable (34:48). Elle observe avec recul et finesse la place de ce pays et de son influence grandissante, notamment dans de nombreux pays d’Afrique (49:36). Elle appelle cependant à sortir de la mise en miroir entre Chine et Occident qui crée une binarité effaçant toute la complexité de ces cultures et de leurs relations (46:40). En ce moment, si son travail de recherche est évidemment perturbé par les circonstances actuelles (07:27), elle est attentive à ce qui se passe ici comme là-bas (06:19) et continue à analyser sans angélisme le rôle de l’Empire du milieu dans la crise en cours (58:11).
Bonne écoute, et continuez de faire parler La Poudre !
La Poudre est une émission produite par Nouvelles Écoutes
Réalisation e
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