L’économiste Julia Cagé est l’invitée du 71e épisode de La Poudre, le deuxième de notre série #ellespensentlapres, mêlant parcours personnel et réflexions sur la situation actuelle comme sur le monde à venir. Avec Lauren Bastide, elles ont parlé de dette, de représentation et de revenu universel.
L’édito de Lauren :
Bon. Alors j’ai une théorie. Ça vaut ce que ça vaut mais, pour moi, cette crise produit un effet loupe. Tout ce qui arrive, c’est comme avant, mais en version grossie. Les violences policières dans les quartiers populaires c’est pas nouveau, mais c’est pire. Les injonctions sexistes dans les magazines féminins c’est comme d’hab, mais ça choque plus. La fragilité des vieux, la mise en danger des pauvres, l’importance de l’école gratuite, la difficulté à vivre en couple hétérosexuel, on était au courant, mais le confinement rend tout exagéré, colossal. Sur le plan individuel c’est pareil, nos névroses prennent beaucoup de place, nos soucis de santé aussi. On n’est rien d’autre que ce qu’on est, mais y a plus moyen d’y échapper : on est confiné·e·s dans nos propres petits enfers personnels. Moi par exemple, là, je me rend compte que je suis maman, alors qu’avant j’avais quand même plusieurs heures dans la journée où je pouvais l’oublier. Je me sens fille de mes parents, plus qu’avant, parce qu’ils me manquent et que je suis loin d’eux. Je saisis encore plus à quel point je suis privilégiée et comme le confort matériel dont je bénéficie change tout dans ce contexte. Il y a un truc qui me saute au yeux, quelque chose que je contournais un peu jusqu’ici : je suis cheffe d’entreprise. Mon associé Julien et moi, on se prend la crise en pleine figure. Le podcast, c’est gratuit. On gagne des sous uniquement grâce à la pub. Et en temps de crise, bah de la pub y en a pas, enfin pas beaucoup en tout cas. On a peur de tout perdre et on est prêts à se battre pour que ça n’arrive pas. On se retrouve tous les deux à parler d’exonération d’URSSAF, de prêt garanti par l’état, d’activité partielle et de banque publique d’investissement. Et comme dans les médias on n’entend que des vieux gars parler de tout ça, j’ai eu envie d’échanger avec une économiste, jeune, brillante, progressiste, pour vulgariser.
Résumé de l’épisode :
Julia Cagé est chercheuse en économie et l’autrice de plusieurs brillants ouvrages, dont Le Prix de la démocratie dans lequel elle explore les ressorts économiques du fonctionnement de la vie politique française. Née en 1984 à Metz, elle déménage souvent étant enfant (11:58) mais rentre en classe préparatoire à Marseille et finit par intégrer l’École normale supérieure, poussée par son admiration pour les figures intellectuelles de gauche (13:35). De gauche, elle l’est certainement et ne s’en cache jamais. Elle a d’ailleurs été la conseillère économique de Benoît Hamon lors de la campagne présidentielle de 2017. Cette prise de position est souvent utilisée pour discréditer son travail de chercheuse (15:18) mais elle l’assume sans ambage, dénonçant au contraire la supposée neutralité d’un certain milieu de la recherche (17:19). Lors de la campagne, elle a été l’une des actrices majeures de la proposition du candidat sur le revenu universel (20:10), aujourd’hui revenu au centre des débats. À l’époque, elle a dû faire face à de nombreuses marques d’un sexisme bien ancré, tant dans la presse que dans la politique (26:46). Elle est aujourd’hui plus assurée dans son positionnement féministe, appelant à utiliser les outils de l’état de droit pour changer durablement les règles et faire entendre les femmes (29:40). Elle rappelle d’ailleurs le besoin d’une représentation descriptive pour une démocratie en bonne santé (30:56). Dans la crise actuelle, elle appelle de ses vœux une relance verte de l’économie, un chemin toujours plus nécessaire vers la transition (32:40). Elle souligne aussi toute l’importance de l’impôt (40:00) pour parvenir à une société plus juste et sa dénonciation du système de dons des plus ri
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