Au programme le nouvel album de l'harmoniciste Jean-Jacques Milteau "Key To The Highway" paru chez Dixiefrog.
Jean-Jacques Milteau, né le 17 avril 1950 à Paris, est un harmoniciste français.
Il découvre l'harmonica dans les années 1960 en écoutant des artistes de la mouvance folk et rock (Bob Dylan, les Rolling Stones). Un voyage aux États-Unis lui permet de se confronter au blues américain, et il se lance véritablement dans sa carrière musicale vers la fin des années 1970. Il obtient alors une première reconnaissance comme instrumentiste accompagnateur, jouant pour de nombreux artistes, principalement français : Yves Montand, Eddy Mitchell, Jean-Jacques Goldman, Maxime Le Forestier, Barbara, Charles Aznavour, Bill Deraime, Renaud. Sa curiosité l'incite à aborder des styles différents, allant du blues au jazz comme Stevie Wonder à ses débuts, en passant même par le musette (Albert Raisner), et d'autres formes de musiques populaires.
En novembre 1974, il enregistre avec le groupe "New Bluegrass Connection" l'album L'Herbe Bleue1, publié par Le Chant du Monde en 1975 et dont il a composé plusieurs titres. Il y donne, déjà, toute la mesure de son talent d'harmoniciste. Dans la foulée, il enregistre pour le Chant du Monde un "spécial instrumental harmonica" remarquable sur lequel figure une très belle version du standard bluegrass "Orange Blossom Special" ainsi que des compositions personnelles. Il y est accompagné par ses amis de "New Bluegrass Connection" (qui deviendra "Connection" tout court par la suite pour l'album "Correspondance").
En 1989, il sort une compilation de ses premiers albums au Chant du Monde, Blues Harp, et mène depuis une carrière personnelle, enchaînant de nombreuses tournées (accompagné de Manu Galvin à la guitare). Il écrit également des méthodes d'apprentissage de l'harmonica et s'investit en même temps dans la radio, notamment sur TSF Jazz où il anime depuis 2001 l'émission hebdomadaire « Bon temps rouler », consacrée à la musique blues. Cette émission est également diffusée par Jazz Radio.
En 1990, lors d’une masterclass au château de Monteton, il rencontre Greg Szlapczynski, qui deviendra Greg Zlap auprès de Johnny Hallyday. Ils fonderont ensemble le Marine Band Club, hébergé au légendaire club Utopia.
Suivent d'autres albums comme Explorer (1re Victoire de la musique), Routes ou Bastille Blues qui font valoir sa virtuosité et son éclectisme.
C'est en 1992 qu'il rejoint la troupe des Enfoirés qui, chaque année, réalise un spectacle afin de venir en aide aux plus démunis en soutenant l'action de l'association des Restaurants du cœur, fondée par Coluche. Jean Jacques Milteau aura l'occasion de participer plusieurs fois à ce spectacle, notamment aux côtés de Patricia Kaas et de Fredericks, Goldman, Jones en 1992, pour Regarde les riches, sur la scène de l'Opéra Garnier, et de Paul Personne, Eddy Mitchell et Renaud en 1994, pour La route de Memphis au Grand Rex.
Le 11 avril 2000, dans "Surpris par la nuit", France-Culture lui consacre une émission produite par Catherine Soullard.
Un virage s'amorce en 2001 : l'album Memphis, enregistré avec de grands musiciens de blues américain sous la direction du producteur Sébastian Danchin, lui permet d'obtenir une récompense aux Victoires de la musique (meilleur album blues). Cet album et les suivants sont marqués par plusieurs points communs :
dominante blues/soul désormais quasi-exclusive,
mélange de compositions originales et de reprises de standards,
enregistrements et productions aux États-Unis,
intégration voire mise en avant, ponctuelle ou récurrente, de musiciens et chanteurs blues américains, connus ou moins connus: Mighty Sam McLain et Little Milton dans Memphis, Terry Callier, N'Dambi ainsi que Gil Scott-Heron dans Blue 3rd, Michelle Shocked et Demi Evans dans Fragile ainsi que Live, hot n'blues pour cette dernière,
rôle important pris par le pianiste/organiste Benoit Sourisse dans la direction musicale et les arrangements, complétant le noyau dur harmonica-guitare de Jean-Jacques Milteau et Manu Galvin,
équilibre dans la part donnée aux différents instruments (guitare, clavier, cuivres)
En 2003, il reçoit le Grand Prix du Jazz de la Sacem et les Victoires du jazz dans la catégorie Album blues de l'année pour Blue 3rd.
Il tourne avec Mighty Mo Rodgers et abondamment avec Demi Evans (Festival de la Côte d'Opale en novembre 2006, Marciac, Vienne à plusieurs reprises ...).
Avec Manu Galvin, ils joueront dans plus de soixante pays , que ce soit simplement en duo, en trio ou en plus grande formation. Depuis 2008 ils se produisent fréquemment avec deux chanteurs noirs américains : Michael Robinson et Ron Smyth. À cette occasion J.-J. Milteau cosigne certains titres de leurs deux albums communs : Soul Conversation (2008) et Consideration (2011)2.
En 2011, il adapte avec le comédien Xavier Simonin, le roman l'Or de Blaise Cendrars pour le théâtre. La pièce se jouera plus de 200 fois dont deux programmations au Festival d'Avignon en 2013 et 2015.
De 2010 à 2013, il assure la présidence des Victoires du Jazz. En 2012, il réalise l'album Distance pour l'artiste germano-nîmois Mathis Haug. En janvier 2013, il est élu Président du Conseil d'Administration de l'ADAMI (Administration des Droits des Artistes et Musiciens Interprètes). Au début de la même année, il tourne en compagnie du bluesman Joe Louis Walker. En 2013 également, il participe au projet pédagogique en ligne imusic-school, en proposant un cours d'harmonica blues débutant3. À partir de 2013, il partage la scène avec le pianiste de jazz Édouard Bineau, en alternance avec le groupe de blues londonien 24 Pesos. Il est également l'invité du chanteur/guitariste Eric Bibb sur plusieurs spectacles et enregistrements, notamment Leadbelly's Gold en hommage au fameux songster.
En juillet 2014, il est nommé Officier des Arts et Lettres.
En 2017, il se joint à Eric Bibb et à Michael Jerome Brown pour produire l'album Migration Blues, nommé aux Grammy 2018.
Il joue en mai 2017 au Musée du Quai Branly4, en compagnie du violoncelliste Vincent Ségal et du chanteur Harrison Kennedy (en), dans une nouvelle formule intitulée « Crossborder Blues ». Un album de la même formation et portant ce titre sort en septembre 2018 chez Naïve le-blues-est-il-multicolore [archive].
Le 7 juillet 20185, il monte sur scène lors de la performance de Éric Séva au festival du Jazz de Paris pour accompagner Harrison Kennedy
En 2020 il collabore de nouveau avec Xavier Simonin pour adapter au théâtre le roman de John Steinbeck « Les Raisins de la colère ». La pièce ne peut se jouer avant l’été 2021 mais commence une carrière prometteuse au Festival d’Avignon.
En avril 2021 J.J. Milteau sort un album intitulé Lost Highway dédié à Hank Williams sur lequel se côtoient le chanteur Carlton Moody et J.Y.Lozac’h à la pedal steel guitar. La formule est depuis en tournée.
En décembre 2022 : J.J.Milteau est l’invité d’honneur de la grande soirée TSF « You And The Night And The Music » à la salle Pleyel.
Puis un petit hommage à Patrick Verbeke.
Depuis trop d’années, de graves problèmes de santé avaient éloigné Patrick Verbeke des salles de concert et des festivals, mais même s’il s’était fait plus rare, sa notoriété restait intacte et tous les amateurs connaissaient sa place et son importance dans l’émergence d’une scène blues française.
Àl’affiche de Blues en Loire, il avait dû se décommander au dernier moment, suivant l’avis de son médecin. C’est alors qu’il devait se produire sur la scène de La Charité-sur-Loire qu’il s’est éteint le 22 août. Patrick Verbeke a été un compagnon de route de la revue Soul Bag, nous avons suivi sa carrière, chroniquant les albums qui l’ont jalonnée, nous avons aussi écrit sur lui et lui a écrit pour nous, tenant durant deux ans la rubrique De quoi j’vais m’plaindre.
Son nom apparait dans la revue au début de 1979 (SB 71), quand Pierre Poidevin dresse un portrait, synthétique mais fort complet. On y apprend notamment que Verbeke est né le 13 avril 1949 à Caen, qu’il devient vite fan de rock ‘n’ roll avec une prédilection pour Gene Vincent, qu’il s’initie à la guitare à 15 ans et fait partie de différents groupes blues rock, les Tombstones, branchés Stones & Co, ou l’Indescriptible Chaos Rampant (sic) où il côtoie le pianiste Guillaume Petite. C’est ensuite l’expérience d’une autre communauté musicale emblématique, Alan Jack Civilization où il fait la connaissance d’un harmoniciste féru lui aussi de blues, Benoit Blue Boy ! Ils jouent un temps en duo genre Sonny Terry-Brownie McGhee. Patrick a raconté cette époque à Stéphane Koechlin : « Nous jouions dans des bars infâmes. Nous étions proches du cliché blues, du mec seul, sa guitare dans le dos. » (SB 131) Mais leurs routes se séparent quand Benoit part en Amérique. Verbeke poursuit son chemin, prêtant sa guitare à une scène rock effervescente. On l’entend avec Tribu, puis il s’associe au bassiste Jacky Chalard au sein de Magnum (qui fera quelques dates avec Hallyday) puis de Bistroc. Ils jouent souvent avec Vince Taylor et les tournées du label Big Beat, rock ‘n’ roll à fond !
Patrick Verbeke ne néglige pas totalement ses études pour autant et il obtient en 1975 sa licence d’anglais, de quoi l’aider à mieux comprendre ces blues dont il découvre de nouveaux aspects grâce à Benoit : « Je rapportais des disques de blues à Patrick. Je lui ai apporté le premier album de Roy Buchanan. Je lui racontais tout ce que je voyais. » (SB 131). Lorsqu’en 1981 parait le premier album de Patrick, “Blues In My Soul”, on y découvre un artiste qui a opté pour le blues, tout en revendiquant l’influence du rock et de la chanson. L’escalier de ma môme, zébré de traits de slide, connaît un certain succès qui incite Underdog à produire encore deux albums dans la même veine : “Tais-toi et Rame” qui contient J’marche doucement de l’ami Benoit (1982) et “Bec Vert” (1984).
L’album « Blues & Ladies » de 1992 sur Miss You marque sa carrière : on y entend pour la première fois Claude Langlois à la pedal steel guitar et Pascal “Bako” Mikaelian à l’harmonica, qui seront pendant des années ses fidèles compagnons de scène. Et surtout, l’album contient un titre qui va marquer bien au-delà du cénacle blues. De quoi j’vais m’plaindre, avec ses paroles marrantes et son atmosphère laid back, est programmé sur toutes les radios et notamment sur Europe 1. La radio qui avait compris le potentiel du blues proposa à Patrick d’animer sa propre émission, bien sûr intitulée De quoi j’vais m’plaindre. Première du genre sur une radio généraliste, l’émission innovait aussi dans la forme. Patrick s’y investissait totalement, ne se contentant pas de passer des disques ou d’interviewer des musiciens, il s’accompagnait de sa guitare pour illustrer ses propos, interroger ses hôtes, eux-mêmes invités à joindre la musique à la parole.
À lire les commentaires postés sur Facebook après son décès, on mesure l’impact qu’a pu avoir l’émission sur de nombreux auditeurs, venus durablement au blues grâce à elle. Lorsque Soul Bag a proposé à Patrick une rubrique en prolongement à l’émission, il a immédiatement accepté et expliqué son projet : « Ce que je vous propose dans ces lignes, c’est de vous faire pénétrer dans les coulisses de l’émission, de vous donner mes impressions, vous livrer des anecdotes sur les invités que j’ai reçus durant le trimestre. » Ce qu’il a fait très consciencieusement de 1996 à la fin de l’émission en 1998.
Pédagogue dans l’âme, Verbeke pensa à sensibiliser le jeune public au blues, à travers l’histoire de ses créateurs. Avec son conte “bluesical” Willie et Louise, il sut porter la bonne parole dans des centaines d’écoles. On imagine le plaisir qu’il trouva dans cette expérience, lui, l’homme de rencontres, d’échanges, ce passeur généreux toujours prêt à offrir de son temps pour la bonne cause. Parmi les témoignages postés sur les réseaux, j’ai relevé celui, particulièrement éloquent, de Frédéric Adrian : « À l’époque, je faisais un stage dans une maison de retraite d’Ile-de-France et j’en profitais pour animer un atelier pour les résidents autour de l’écoute musicale et en particulier du jazz. J’ai croisé par hasard Patrick Verbeke à l’occasion d’un mini-concert et j’ai trouvé le courage de lui demander s’il pourrait venir faire une intervention (bénévole) dans ce cadre-là… Il est venu à l’occasion de la dernière séance à la fin de mon stage, a joué une petite demi-heure pour cinq ou six mamies, répondu aux questions pendant au moins aussi longtemps. Je ne le connaissais pas du tout et ne lui avais jamais parlé avant, il a accepté sans hésiter. La vie n’a pas toujours été juste avec lui, mais c’était un grand monsieur et la preuve vivante que les bluesmen peuvent aussi être Français. »
Patrick Verbeke a aussi connu des périodes sombres. Il n’était pas l’homme des demi-mesures, mais il a toujours su remonter la pente, à force de volonté. Même diminué physiquement, il ne s’avouait pas vaincu. Jouant assis ces derniers temps, il retrouvait au fil des morceaux un peu de sa dextérité pour soutenir le feeling énorme de sa voix corrodée. Son dernier album, “La P’tite Ceinture” (Frémeaux & Associés, 2010), était signé Verbeke & Fils, un touchant passage de relais entre le père et le fils, Steve.
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