Littérature classique africaine
Society & Culture
«Notre pain de chaque nuit», par Florent Couao-Zotti
Romancier, nouvelliste, homme de théâtre, Florent Couao-Zotti raconte l’Afrique contemporaine, ses violences urbaines, ses inégalités et ses turpitudes. Né en 1964, le Béninois appartient à la génération d’écrivains postcoloniaux qui ont renouvelé la littérature africaine.
Pays pionnier en matière de transformations politiques sur le continent africain, le Bénin est également un pays important sur le plan littéraire. L’ancien Dahomey, autrefois surnommé le « quartier latin » de l’Afrique, a vu émerger les premiers textes littéraires africains de langue française, dont le plus connu est sans doute Doguicimi, paru en 1938, considéré comme le premier roman épique africain. Son auteur, ethnologue et sociologue dahoméen, Paul Hazoumé; s’était inspiré de l’histoire pré-coloniale.
Après l’indépendance, la vie intellectuelle au Bénin a continué à être particulièrement dynamique, comme en témoigne notamment l’œuvre du philosophe béninois Stanislas Adotevi. Son essai Négritude et négrologues, publié en 1972, a été le premier ouvrage à s’attaquer frontalement aux fondements fantasmatiques et irrationnels de la pensée de la négritude. Héritier de ce bouillonnement intellectuel, mais à l’écriture éminemment moderne, le romancier béninois Florent Couao-Zotti s’est fait connaître en 1998 en publiant son premier roman Notre pain de chaque nuit. « Observateur attentif des bas-fonds de Cotonou (…), Florent Couao-Zotti met à nu les viscères de la population infra-humaine qui habite poétiquement et violemment ces lieux qu’on ne pourrait trop recommander aux touristes », écrit le romancier djiboutien Abdourahman Waberi dans Le Monde diplomatique, rendant compte d’un ouvrage sous la plume de cette âme-sœur de Cotonou.
Né en 1964, Florent Couao-Zotti est l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages, une œuvre protéïforme qui se partage entre romans, nouvelles, polar, théâtre et scénario pour la bande dessinée et la télévision. L’homme fait partie de la troisième génération d’écrivains africains qui n’ont pas connu la colonisation et qui ont renouvelé la tradition littéraire africaine, libérée de ses pesanteurs historiques et politiques. Son roman Notre pain de chaque nuit, paru aux éditions du Serpent à Plumes et repris en poche depuis, est représentatif de l’univers romanesque et de l’écriture satirique de cet auteur bourré de talents. Il y a du Zola et du Dickens dans la fiction de Couao-Zotti. Ses intrigues se situent dans les bidonvilles et les taudis des grandes villes, avec des protagonistes qui se caractérisent par leur résilience et la verdeur de leur langage.
Intrigue
Le roman raconte une histoire d’amour tragique, sur fond de misère et d’inégalités sociales. Gamin de rue, repéré par un entraîneur sportif perspicace, le protagoniste du roman, Dendjer, est devenu un boxeur populaire et prometteur. Soucieux de gagner des galons dans sa discipline, le jeune homme passe son temps à s’entraîner. Mais un jour, son chemin croise, dans des circonstances rocambolesques, celui de la belle Nono à la sensualité peu commune. Nono est une prostituée, qui fait le trottoir dans les quartiers mal famés de la capitale. Dendjer tombe éperdument amoureux de la jeune femme, mais celle-ci, animée par une ambition sociale dévorante, préfère céder plutôt aux avances d’un parlementaire important, gros et gras certes, mais au portefeuille bien garni.
Les deux prétendants se regardent en chien de faïence jusqu’au jour où le député Kpakpa se rend compte du profit qu’il peut tirer de la réputation sportive de son rival amoureux pour faire avancer sa propre carrière politique. En contrepartie d’une grosse somme d’argent et des faveurs de la belle Nono devenue entre-temps l’épouse du député, ce dernier propose au boxeur de truquer le match qu’il doit livrer à Paris afin d’arracher le titre de champion du monde. Pour Dendjer, la combine consiste à se laisser écraser par son adversaire sur le ring, permettant à Kpakpa de récupérer les millions de francs que celui-ci a misés sur sa défaite.
Corruption et déchéance de la classe politique béninoise, telles sont les véritables enjeux du roman de Florent Couao-Zotti.
Ecriture au rythme haletant
Pour savoir si Dendjer acceptera d’entrer dans la combine pour récupérer sa dulcinée, il faut plonger dans les pages de ce roman à l’action haletante. Il se lit d’une seule traite.
Notre pain de chaque nuit est une véritable invitation au voyage au cœur vibrant de l’Afrique contemporaine. Les turpitudes et les misères de son peuple sont saisis au vif, à travers des scènes de vie se succédant à un rythme haletant et à travers une narration ponctuée d’audaces d’écriture, en continuelle réinvention. Entre aventure sociale et histoire d’amour, ce roman a fait de son auteur une voix majeure de la littérature africaine contemporaine.
► Notre pain de chaque nuit, par Florent Couao-Zotti. Editions Le Serpent à Plumes, 1998, repris en poche (J’ai lu, 2000)
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