đ Groupes armeÌs : Mboso a-t-il raison de pointer ses colleÌgues du Grand Kivu ?
En marge de l'ouverture de la pléniÚre du lundi 29 mars, le président de l'Assemblée nationale, Christophe Mboso N'Kodia, a déclaré : "Vous les collÚgues du Grand Kivu, quittez les groupes armés."
Alors que le pays est sous le choc dâun nouveau massacre de 27 personnes au nord de Beni, ce qui porte Ă plus de 1 100 le nombre de personnes tuĂ©es dans ce territoire depuis novembre 2019, Mboso a-t-il raison de pointer du doigt ses collĂšgues ?
Bonjour,
Je m'appelle Jason Stearns et je suis le directeur du Groupe d'étude sur le Congo, centre de recherche basé à l'Université de New York. Vous écoutez le huitiÚme numéro de Po Na GEC, notre capsule audio qui tente d'expliquer et de donner notre avis sur les questions d'actualité en RDC.
Nous sommes le vendredi 2 avril.
Il ne fait aucun doute que certaines Ă©lites politiques congolaises, y compris des parlementaires, ont Ă©tĂ© affiliĂ©es Ă des groupes armĂ©s. En 2011, un rapport du Groupe d'experts de l'ONU a documentĂ© le soutien de Jemsi Mulengwa, ancien dĂ©putĂ© de Fizi, aux MaĂŻ-MaĂŻ Yakutumba, et de nombreux rapports montrent le soutien de Justin Bitakwira, ancien dĂ©putĂ© d'Uvira, aux groupes armĂ©s dans la Plaine de la Ruzizi. En 2011, l'actuel dĂ©putĂ© Anselme Enerunga a participĂ© Ă la production et Ă la diffusion de vidĂ©os faisant l'Ă©loge des groupes armĂ©s Raia Mutomboki Ă Kalehe, dâoĂč il est originaire. Autour de Beni, en 2018 des candidats dĂ©putĂ©s au niveau provincial et national ont , bon grĂ© mal grĂ©, encouragĂ© des groupes locaux qui ont fini par participer Ă des attaques contre des agents de santĂ© pendant l'Ă©pidĂ©mie d'Ebola dans cette rĂ©gion.Â
Il existe Ă©galement d'autres exemples. MĂȘme si le recours au populisme est certainement prĂ©judiciable Ă la stabilitĂ©, il n'est qu'un facteur, et probablement pas le plus important, contribuant Ă la violence globale dans l'est du Congo. La plupart de ces soutiens documentĂ©s Ă©taient rhĂ©toriques, et non financiers. Et si bon nombre des 120 groupes armĂ©s de la rĂ©gion ont des liens avec les Ă©lites politiques et Ă©conomiques, il s'agit pour la plupart d'alliances de convenance; les groupes armĂ©s ne sont pas les marionnettes de ces Ă©lites.Â
Pour la plupart, les groupes armĂ©s de l'est du Congo sont portĂ©s par leur propre Ă©lan, survivent en taxant la population locale, les mineurs artisanaux et les hommes d'affaires, et ne sont vraisemblablement pas approvisionnĂ©s ou financĂ©s par de puissantes Ă©lites Ă Kinshasa ou Ă Goma. C'est certainement le cas des ADF, le groupe armĂ© de loin le plus meurtrier du Congo, responsable d'environ â de toutes les tueries de civils dans le conflit depuis 2019 selon le BaromĂštre sĂ©curitaire du Kivu. Bien que ce groupe ait tissĂ© des liens de survie avec les populations locales, rien ne prouve qu'un parlementaire - ou un autre dirigeant politique congolais, d'ailleurs - le soutienne.Â
S'il est sĂ©duisant d'adhĂ©rer au rĂ©cit des "tireurs de ficelles", cela dĂ©tourne l'attention d'une responsabilitĂ© beaucoup plus claire : celle de l'Ătat congolais, qui est souvent peu disposĂ© ou incapable de dĂ©manteler les groupes armĂ©s, et qui est parfois complice de ces derniers. Par exemple, le GEC a documentĂ© le soutien rĂ©cent des FARDC au NDC-R, l'un des groupes armĂ©s les plus importants de la rĂ©gion. Et en gĂ©nĂ©ral, les 120 000 soldats de l'armĂ©e manquent souvent des ressources et de motivation suffisantes pour s'attaquer Ă des groupes armĂ©s.Â
Cela ne veut pas dire que la stabilisation de l'Est sera facile, ni qu'il existe un vaste complot derriĂšre les massacres. Il faudra un plan et du temps. Il faudra une volontĂ© politique et des ressources publiques pour rĂ©former l'armĂ©e, mettre en place un plan de dĂ©mobilisation, s'engager dans une vĂ©ritable rĂ©conciliation communautaire et fournir des emplois aux jeunes de la rĂ©gion qui rejoignent souvent des groupes en quĂȘte de survie et de dignitĂ©. Le prĂ©sident de l'AssemblĂ©e nationale a mentionnĂ© certaines de ces choses dans son discours - concentrons-nous sur celles-ci.Â
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