Proposition de loi Ceni : est-ce le début des réformes nécessaires pour des scrutins crédibles en RDC ?
L'Assemblée nationale a adopté ce vendredi 4 juin, la proposition de loi organique modifiant la loi sur la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
A un peu plus de deux ans des prochaines élections, est-ce le début des réformes nécessaires pour rendre enfin les scrutins plus crédibles ?
Bonjour. Nous sommes le vendredi 11 juin et vous écoutez le 17e numéro de Po na GEC, la capsule audio du Groupe d’études sur le Congo de l’Université de New-York, qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Jason Stearns, le directeur du GEC.
Les enjeux de cette réforme sont considérables. Tant les élections de 2011 que celles de 2018 ont été profondément entachées d'irrégularités dénoncées notamment par des observateurs indépendants. Dans un sondage national réalisé par Berci et le GEC en 2019, près de la moitié des personnes interrogées ont déclaré qu'elles estimaient que les élections avaient été truquées ; un nombre similaire ne faisait pas confiance à la commission électorale.
La CENI reste l'une des institutions les plus importantes du pays - elle décide de l'emplacement des bureaux de vote, recrute le personnel, organise et compte les votes eux-mêmes. Elle a également des poches profondes. Rien qu'en 2018, la CENI disposait d'un budget de 434 millions de dollars, soit plus que celui du ministère de la Santé ou de l'armée.
Cette proposition de loi, pourrait-elle rendre cette institution plus crédible et légitime ?
La loi votée par l'assemblée nationale ne change pas grand-chose à la composition de la CENI. Elle reste politisée : les membres du bureau - l'organe exécutif qui garde le pouvoir sur toutes les décisions importantes - et ceux de la plénière sont répartis entre la majorité et l'opposition parlementaires ainsi que la société civile. Le bureau compte désormais sept membres - un de plus qu'auparavant - dont quatre sont proposés par la majorité, deux par l'opposition tandis que la présidence est réservée à la société civile. Cela donne encore plus de pouvoir à la majorité, qui contrôlait 3 des 6 membres dans la version précédente. Au sein de l'assemblée, qui a en théorie le pouvoir de superviser le bureau, la répartition des sièges est plus équilibrée - l'opposition nomme maintenant 4, la majorité 6 et la société civile 5 membres - mais cet organe a relativement peu de pouvoir.
Les recommandations faites pour rendre les membres de ces organes moins sensibles à l'influence politique ont été diluées. Une proposition de Christophe Lutundula - aujourd'hui ministre des affaires étrangères - visant à interdire à toute personne ayant été impliquée dans des activités politiques au cours des cinq années précédentes d'être nommée à la CENI a été supprimée. De même qu'une disposition visant à obliger toutes les parties à trouver un consensus sur la nomination du président de la CENI et celle de créer un organe de contrôle permanent, la commission permanente d'évaluation et de contrôle. Toutefois, il y a des sanctions prévues si les membres de la CENI s’engage dans la politique.
Des critiques ont été émises : la coalition de députés G13 a publié un communiqué dénonçant la "vacuité des dispositions de la loi". Le porte-parole de l'Eglise du Christ au Congo, Eric Nsenga, a déclaré que cette loi n'apportait pratiquement aucun changement à la loi actuelle. Toutefois, en comparaison avec les protestations sur des questions similaires avant les élections de 2018, ces objections sont moins audibles. Il n'y a pas eu de manifestations - malgré l'appel de Martin Fayulu à appliquer l'article 64 de la constitution - et les discussions à Kinshasa semblent davantage axées sur le débat de Noel Tshiani sur la "congolité" et sur une controverse impliquant des cartes de crédit prépayées remises à certains ministres. La proposition de loi vient d’être adoptée en des termes identiques par le énat et attend la promulgation.
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