On le sait, contre l’avis du président Félix Tshisekedi, l’Assemblée nationale, contrairement au Sénat, poursuit sa session ordinaire de mars dont la clôture était initialement prévue le 15 juin. Officiellement, c’est parce qu’une partie du territoire national se trouve en état de siège et que les députés se doivent de renouveler cette situation exceptionnelle tous les 15 jours ou d’y mettre fin à tout moment. Mais la prolongation de la session ordinaire de mars ne cache-t-elle pas d’autres intentions ?
Bonjour ! Vous écoutez le 22e numéro de Po Na GEC, la capsule audio du Groupe d’étude sur le Congo (GEC), centre de recherche basé à l’Université de New York, qui tente d’éclairer l’actualité congolaise.
Je m’appelle Trésor Kibangula et je suis analyste politique au sein du GEC.
Nous sommes le vendredi 16 juillet. Cela fait presqu’un mois jour pour jour que l’Assemblée nationale joue les prolongations, après avoir refusé de voter la loi d’habilitation. Privant ainsi le chef de l’État de la possibilité de renouveler seul, comme il le souhaitait, l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Mais, en réalité, cette fin retardée de la session ne va pas desservir le chef de l’État. Au contraire. Elle lui permettra de pousser son avantage. Ce sera le temps par exemple de confirmer la mainmise de l’Union sacrée de la nation, coalition au pouvoir, sur la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Et le ton est donné. Il faut le faire vite, très vite. La nouvelle loi sur la Ceni, décriée notamment à cause de la politisation accentuée de l’organe électoral et du déséquilibre dans sa composition, a été promulguée le 3 juillet. Le bureau de l’Assemblée nationale dit attendre les noms des animateurs proposés pour la Ceni par chaque composante - majorité, opposition et société civile -, au plus tard le 28 juillet. Le 17 août, le président de la République doit recevoir les listes des personnes désignées et entérinées par l’Assemblée nationale.
Cette mise en branle rapide du nouveau dispositif légal prend de vitesse les détracteurs de la nouvelle loi sur la Ceni. D’autant que ces derniers peinent à mobiliser. Et la disparition du cardinal Laurent Monsengwo, figure incontournable de la scène publique congolaise, n’aide pas non plus. L’Église catholique, une des principales composantes devant désigner le prochain président de la Ceni, ne pourra pas s’Impliquer pleinement avant les obsèques du feu cardinal.
En tout cas, pour l’instant, contrairement à 2015, aucune manifestation de protestation d’envergure n'a eu lieu. Des appels se multiplient par ailleurs dans ce sens mais des acteurs politiques ou de la société civile ne semblent pas encore accorder leur violon sur la stratégie à mettre en place. Félix Tshisekedi, lui, n’attend pas. Le chef de l’État avance ses pions et s’impose encore plus dans les institutions du pays. Sans doute pour s’assurer une victoire en 2023. D'ailleurs, il ne s’en cache pas.
La prolongation sert aussi de moyen de pression pour les députés afin de faire avancer certains dossiers en leur faveur. « Comment partir en vacances et laisser les commandes du pays à l’exécutif alors que la promesse du chef de l’État d’une dotation financière pour chaque député qui rentre dans sa circonscription n’est pas encore satisfaite ? » s’interrogent certains élus. D’autres disent attendre d’en savoir plus sur des jeeps promises.
Entre-temps, les réformes annoncées comme prioritaires à l’ouverture de la session, il y a quatre mois, n'ont pas été toutes examinées. À la place, derrière les portes closes des bureaux du palais du Peuple, députés pro-Tshisekedi et députés pro-Kabila se disputaient encore le contrôle des commissions permanentes de l’Assemblée nationale. Pour ceux qui attendaient les débats sur la révision de certaines dispositions de la Constitution, sur la modification de la loi électorale en vigueur, ou sur des projets de réformes structurelles, économiques ou sociales venant du gouvernement, il faudra repasser. Au Congo, à l’instar de « l'année de l’action » annoncée pour 2020 par le président Tshisekedi, « le temps des réformes » proclamé en mars 2021 par Christophe Mboso, président de l’Assemblée nationale, se fait toujours attendre. Prolongation de la session ordinaire, ou pas.
D’ici là, pour recevoir Po na GEC chaque vendredi sur votre téléphone, rejoignez notre fil WhatsApp en envoyant " GEC ", au +243 894 110 542. À très vite !
Create your
podcast in
minutes
It is Free