C’est désormais à la cathédrale Notre Dame du Congo, en plein centre-ville de Kinshasa que repose le Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya. Dans son message de condoléance, le pape François le décrit comme un « exégète, homme de science, un grand homme spirituel et un pasteur intensément dévoué au service de l’Église, partout où il a été appelé ». Quel héritage le cardinal Monsengwo lègue-t-il à l’église et à la république ?
Bonjour !
Je m’appelle Fred Bauma et je suis directeur de recherche au sein du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche basé à l’Université de New York.
Dans ce 23e numéro de Po Na GEC, notre capsule audio qui tente d’éclairer les questions d'actualité en RDC, je médite sur l’héritage de l’archevêque émérite de Kinshasa, décédé ce 11 juillet 2021 en France.
Le cardinal Monsengwo aura vécu 81 ans, dont plus de la moitié comme évêque, ensuite archevêque respectivement de Inongo, Kisangani et Kinshasa. À l’annonce de sa mort, nombreux ont salué ses prouesses intellectuelles et son action en faveur des pauvres. D’autres ont rappelé ses qualités de polyglotte – il parlait 14 langues - ou encore son amour pour la musique. Car Tata cardinal, comme il se faisait affectueusement appeler, a eu plusieurs vies. Mais sa contribution dans la lutte pour la justice sociale et la démocratie restera pour beaucoup, et au-delà de sa chère église catholique, son grand héritage.
Si pour le commun des Congolais, l’érudit exégète catholique leur était peu connu, le politique et le pasteur, lui, leur était si proche. D'autant que durant les trente dernières années de sa vie, le cardinal a dominé la vie politique de son pays par ses sorties médiatiques, ses homélies tranchantes et son leadership au sein de l’Eglise catholique. Le cardinal Monsengwo aura même servi pendant quatre ans comme président du Haut-conseil de la République/Parlement de transition.
Et dans sa longue carrière de prince de l’église, il n’a raté aucune occasion pour fournir de l’énergie aux différents courants contestataires. « Mon rôle était de tendre la corde sans qu’elle ne cède », se confiait-il au magazine Jeune Afrique en 2015. Ainsi, en 1992, lorsque la conférence Nationale Souveraine dont il dirigeait les travaux est bloquée par le président Mobutu, il laissera faire les prêtres contestataires et les laïcs catholiques dans ce qui sera connu sous le nom de la marche des chrétiens. En 2011, il n'hésite pas à critiquer durement les résultats des élections qui, selon lui, n’étaient « conformes ni à la vérité, ni à la justice ». En 2015, alors que les émeutes éclataient à Kinshasa et dans d’autres villes du pays contre la modification de la loi électorale, il prêta de nouveau sa voix pour amplifier l’opposition à Joseph Kabila. Il récidivera en 2017 en relançant le Comité laïc catholique. Et lorsque la première marche des laïcs catholiques fut violemment réprimée à Kinshasa, il n’hésitera pas à assener sa plus grande critique au régime de Joseph Kabila avec cette  phrase devenue culte : « Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règnent la paix, la justice en RDC ». Il n’hésitera pas non plus à se montrer critique après les élections controversées  de décembre 2018.
La corde, il l’aura souvent tendue jusqu’au bout, elle aura parfois cédé. Mais la tension que cela a à chaque fois créé à contribuer à faire avancer la démocratie et les libertés en République démocratique du Congo.
À deux ans des nouvelles élections et alors que le climat politique devient de plus en plus tendu, l'Église catholique et ses millions de laïc auront besoin d’un berger fort et d’une voix forte. Le cardinal Fridolin Ambongo saura-t-il assumer ce rôle? Il est clair qu’il en a les atouts quoique son style, sa personnalité et sa trajectoire politique le distinguent de son auguste prédécesseur. Au discret et souvent diplomate Monsengwo succède le fougueux et fonceur Ambongo. On l’a découvert d’ailleurs lors du dialogue de la Cenco.  Lorsque le président de la Cenco, Mgr Marcel Utembi, jouait aux diplomates, Ambongo a choisi d’être le porte voix de la ligne dure, ce qui lui attira alors  la sympathie de la société civile congolaise. Désormais seul maître de l'archevêché de Kinshasa, le cardinal Ambongo a le champ libre pour imprimer son style et rattraper le charisme du cardinal Monsengwo, qui est de 21 ans son aîné.
Le cardinal est mort, vive le cardinal.
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