Les FARDC sont-elles gangrénées par la mafia ?
« Il y a beaucoup de magouilles qui minent nos forces de sécurité. Il s’est développé une mafia dans l’armée ». Ce constat n’est pas extrait du rapport d’une ONG. Il a été prononcé par le président Félix Tshisekedi, chef suprême des forces armées et de la police nationale, le samedi 19 juin, à Bunia.
Le commentaire est spectaculaire. Il a d’ailleurs fait le tour des médias congolais. Mais le président fait-il le nécessaire pour lutter contre le fléau qu’il dénonce ?
Nous sommes le vendredi 25 juin et vous écoutez le 19e numéro de Po na GEC, la capsule audio du Groupe d’études sur le Congo de l’Université de New-York, qui tente d’éclairer l’actualité de la RDC. Je suis Pierre Boisselet, le coordonateur du Baromètre sécuritaire du Kivu, et cette semaine nous nous intéressons aux réseaux illégaux qui entravent l’armée congolaise.
Car Félix Tshisekedi a raison de soulever ce problème. Il y a de nombreux exemples d’activités illégales menées par des membres des FARDC pour s’enrichir. Le dernier rapport du groupe d’expert des Nations-Unies sur la RDC en regorge :
Une partie des soldats des FARDC est par ailleurs fictifs. Souvent ils ne sont pas remplacés après leur mort au combat, et leur solde qui continue d’être versée, est détournée. Tout ceci contribue à aggraver et maintenir l’insécurité.
Alors, comment en est-on arrivé là ? L’impunité en est évidemment un des facteurs. Et Félix Tshisekedi a eu raison de pointer la faiblesse de la justice lors de son intervention. L’arrestation de trois officiers soupçonnés de détournement de soldes de militaires fictifs, en Ituri trois jours plus tard, va dans le bon sens, même s’il faudra des efforts plus solides et plus constants.
Mais, cette « mafia », comme l’appelle Félix Tshisekedi, a également des causes plus profondes. Faute de suffisamment de moyens et de contrôle, une grande partie des FARDC s’organise, sur le terrain,
de manière informelle pour subvenir à ses besoins. Cela se fait souvent au dépend des civils qu’ils sont censés protéger, avec des taxes diverses, qui peuvent mener à des exactions.
Face à cela, les civils, non armés, sont dans une position de faiblesse : ils ont difficilement la capacité de dénoncer ces pratiques et d’obtenir des sanctions sans craindre des représailles. Or, l’état de siège, décrété par Félix Tshisekedi dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri a justement renforcé les pouvoirs des FARDC, avec notamment la mise en place d’une justice militaire pour juger les civils. L’armée a désormais encore plus de latitude pour taxer les citoyens, et s’en prendre aux médias et à la société civile, qui pourraient les dénoncer. Les mesures prises par Félix Tshisekedi risquent donc de renforcer le phénomène dénoncé par Tshisekedi Félix.
Demander la moralisation des soldats, leur faire subir la rigueur de la justice… Tout ceci est louable et nécessaire. Mais pour mettre véritablement fin aux circuits économiques illégaux, il est aussi nécessaire de construire le cadre qui permette aux FARDC d’opérer avec les moyens dont ils ont besoin.
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