Proposition Tshiani – À quoi va servir le verrouillage du sommet de l’État
Le 20 mars, un Tweet apparaît sur le compte Twitter de Noel Tshiani : économiste et candidat malheureux à l'élection présidentielle de 2018. Son contenu ? Une proposition de modifier la constitution en réservant l'accès à la présidence congolaise aux individus nés de père et de mère congolais. Proposition qui suscite un tollé croissant sur les réseaux sociaux et dans le débat public en RDC. À quoi servirait un tel "verrouillage" du sommet de l’État ?
Bonjour ! Je m’appelle Joshua Walker, et je suis le directeur de programme du Groupe d’étude sur le Congo, centre de recherche basé à l’Université de New-York. Vous écoutez le 16e numéro de Po Na GEC, notre capsule audio qui tente d'éclairer les questions d'actualité en RDC.
Nous sommes le vendredi 4 juin 2021.
Le débat autour de cette proposition touche à la fois à des causes immédiates et lointaines. D’aucuns y voient une tentative politique liée à la “congolité” : celle de bloquer la candidature de certains concurrents potentiels au président Félix Tshisekedi en 2023, notamment celle de Moïse Katumbi, dont le père, Nissim Soriano, fut un immigré au Congo belge de l’île de Rhodes en 1938. Pour d’autres, il s’agit d’une tentative par son auteur de s’attirer de l’attention et ainsi se rendre “pertinent” sur la scène politique congolaise.
Dans les faits, rien n’a encore été formellement proposé à l’Assemblée nationale. Certains députés de l’Union pour la démocratie et le progrès social, UDPS, ont indiqué au GEC avoir été approchés par l’auteur, sans s’être engagés, pour l’instant, à faire quoi que ce soit. Une autre possibilité : adresser à l’Assemblée nationale ou au Sénat une pétition de révision signée par 100 000 Congolais. D’autres justifient cette initiative en évoquant les Etats unis d'Amérique, dont la constitution nécessite que tout candidat à la présidence soit un “citoyen de souche” ou “natural-born citizen”. Sans pour autant rappeler que cette clause fait débat au sein de la société américaine.
À titre de comparaison, parmi les neuf pays voisins du Congo, seule la Zambie a une clause constitutionnelle semblable à la proposition actuelle en RDC, qui limite l'éligibilité à la présidence aux individus dont les “deux parents sont Zambiens de naissance ou de descendance”. Cette modification de la constitution zambienne, effectuée en 1996, était largement perçue comme une tentative de Frederick Chiluba, alors président de la République, d’exclure la candidature de Kenneth Kaunda, premier chef de l’État zambien, dont les parents étaient nés au Malawi à l'époque coloniale.
Hormis les questions politiques immédiates, l'idée de verrouiller l'accès à la présidence sur base de deux parents biologiques congolais réveille d’autres questions sociopolitiques plus épineuses. Comme le concept d'autochtonie ou de l’idéologie “nativiste”, souvent connue en RDC sous le nom de “congolité”. On se souviendra, par exemple, du slogan de campagne de Jean-Pierre Bemba en 2006--mwana mboka, fils du pays en lingala--qui évoquait la théorie selon laquelle son adversaire, l’ancien président Joseph Kabila, n’était pas Congolais.
Le président Félix Tshisekedi a exprimé, à plusieurs reprises, sa volonté de réformer la constitution afin de légaliser la double nationalité. Du moins pour les Congolais d'origine. Il appartiendra alors à ceux qui voudraient verrouiller l'accès au poste de président de la République de démontrer en quoi les nombreux congolais d’origine qui seraient exclus de la course présidentielle de cette manière, seraient moins légitimes que ceux qui sont “de père et de mère congolais”. Et aussi, dans quelle mesure la protection des intérêts du Congo au sommet de l’État passe nécessairement par les citoyens dont seuls les deux parents seraient congolais.
Les législateurs congolais pourront se prononcer dessus. Leur décision aura des conséquences à court et à long terme.
En attendant cela, n’hésitez pas à rejoindre notre fil WhatsApp en envoyant GEC au +243 894 110 542 pour recevoir directement “Po na GEC” chaque vendredi sur votre téléphone.
À bientôt !
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