Révolution rizicole au Sénégal sans tambour ni trompette -- Les producteurs de semences transforment l’Anambé en une vallée prospère
À l’insu de quasiment tous, les producteurs de semences de riz transforment l’Anambé, dans la région de Kolda dans le Sud du Sénégal, en une vallée prospère. Grâce à une synergie incroyable entre tous les acteurs, les producteurs de subsistance à Kolda sont devenus prospères en moins de deux ans en produisant des semences de qualité, une activité en plein essor.
De plus, Kolda est devenue pour la première fois un pôle majeur pour la production des semences de riz de plateau au Sénégal. Cette transformation aide le pays à atteindre plus vite l’objectif fixé par le gouvernement pour atteindre l’autosuffisance en riz d’ici 2017.
L’expérience réussie de l’Anambé
« Avec les bénéfices que j’ai faits récemment dans la vente des semences de riz, j’ai acheté deux tracteurs et j’envisage acquérir un troisième, » a déclaré Issa Baldé, président de la Fédération des producteurs du bassin de l’Anambé (FEPROBA) dans le secteur 5, Dialakégné. Il a fièrement annoncé qu’il a inscrit son fils dans une école de football à Dakar, dont les frais s’élèvent à 2,6 millions de FCFA (4 315 USD).
Beaucoup d’autres membres de la FEPROBA, qui compte environ 4 600 producteurs, ont des cas de réussite similaires à raconter. Certains d’entre eux sont en train de construire de nouvelles maisons avec l’argent gagné de la vente des semences. Ils bénéficient du programme de subvention du gouvernement pour l’achat de machines agricoles et peuvent avoir des prêts bancaires à cause des bénéfices qu’ils tirent de la production des semences.
« Jusqu’à maintenant, je n’avais jamais vu 1 million de francs CFA (1 659 USD) de ma vie, » a fait remarquer Souleymane Gano. « En vendant les semences de riz, j’ai gagné 1,3 million de francs CFA (2 157 USD) après avoir payé toutes mes dettes. » Mamadou Dian Diallo, un autre producteur de semences, a construit une maison à deux étages avec des magasins, acheté deux tracteurs et une voiture 4x4.
Le président de la FEPROBA, El-Hadj Gano, a gagné suffisamment d’argent dans les semences pour acheter un tracteur, construire une maison, acheter du bétail et inscrire ses enfants dans une école privée. Mme Fatoumata Sabaly, du village de Soutouré dans l’Anambé, a produit 77 tonnes de semences de riz cette année. Elle a aussi acheté un tracteur et possède 60 têtes de bétails.
Les raisons qui sous-tendent le succès
L’expérience réussie de l’Anambé a commencé en juillet 2014 quand la FEPROBA a reçu 60 tonnes de semences de variétés de riz NERICA 4 et NERICA 6 pour l’écologie de plateau et la variété WITA 9 pour l’écologie de bas-fond. Les semences ont été distribuées par AfricaRice et le ministère sénégalais de l’Agriculture et de l’Équipement rural dans le cadre de l’Initiative riz d’urgence financée par le Japon et mise en œuvre par AfricaRice.
L’Anambé a été identifiée par le Programme national d’autosuffisance en riz (PNAR) comme un pôle pour la production des semences de riz de plateau, parce que la vallée dispose de bonnes infrastructures de maîtrise de l’eau et a aussi la possibilité de faire une irrigation d’appoint si nécessaire pendant la contre-saison. Le gouvernement tient aussi à améliorer les moyens de subsistance des communautés paysannes à Kolda puisque c’est l’une des régions les plus pauvres du Sénégal.
Le PNAR a pour mission d’assurer la cohérence des différentes interventions relatives au développement de la filière riz local, de renforcer sa promotion et son développement par l’augmentation des superficies, la modernisation des moyens et des méthodes de production et de transformation, et la professionnalisation des acteurs en vue d’améliorer la sécurité alimentaire et de contribuer ainsi à la lutte contre la pauvreté.
Dans ce cadre, il assume la responsabilité de conduire le Sénégal vers l’autosuffisance en riz d’ici 2017 en produisant 1,6 million de tonnes de paddy (1,08 million de tonnes de riz usiné). Bien qu’auparavant le gouvernement ait déterminé que 80 % de cette quantité proviendrait du riz irrigué et 20 % du riz pluvial, en 2014 il a décidé d’augmenter la part de la production du riz pluvial à 40 %.
Ce changement de stratégie était dû en grande partie à un programme appuyé par l’Agence américaine pour le développement international (USAID) dans le Sud du Sénégal, qui a démontré que la productivité du système de riziculture pluviale pouvait être significativement améliorée en utilisant des variétés à haut rendement telles que les NERICA avec de bonnes pratiques agricoles, la mécanisation et un système semencier efficace.
« Cependant, puisque le riz pluvial était perçu comme un parent pauvre au Sénégal, il n’y avait pratiquement pas de semences de qualité disponibles pour les producteurs » a expliqué Dr Waly Diouf, Coordinateur du PNAR. « L’offre de semences d’AfricaRice est donc arrivée à point nommé. Nous avons décidé de les distribuer aux producteurs de la FEPROBA, avec l’accompagnement de la Société de développement agricole et industriel du Sénégal (SODAGRI) afin qu’ils puissent les multiplier pour une distribution à grande échelle. »
Les producteurs de semences ont été appuyés à travers les services d’encadrement et de vulgarisation. Depuis le début de l’initiative, AfricaRice a été un partenaire actif du gouvernement dans la formation des formateurs, y compris les agents de vulgarisation, en pratiques améliorées de la production rizicole. Selon Dr Karim Traoré, Expert en qualité grain et en semences à AfricaRice, l’une des principales personnes ressources du programme de formation, la semence de bonne qualité est essentielle pour que les producteurs puissent avoir de bonnes récoltes.
Amélioration du système semencier
Les producteurs de semences de l’Anambé suivent les procédures du gouvernement pour produire les semences certifiées. Le contrôle qualité des semences est fait par la Division des semences (DISEM) depuis le champ. Des échantillons de semences sont testés pour la germination, la pureté physique et la teneur en humidité dans le laboratoire national de test des semences à Tambacounda.
En janvier 2015, un centre de traitement des semences avec une capacité de triage de 40 tonnes par jour a été construit à Kolda avec le soutien de l’USAID. Le centre, qui est dirigé par une compagnie privée, certifie les semences après le nettoyage, le calibrage et le traitement à 20 000 FCFA (environ 33 USD) par tonne payés par les producteurs de semences.
« Nous veillons à ce que notre centre envoie des semences certifiées sur lesquelles les producteurs peuvent compter pour accroître leur production, » a déclaré M. Baila Diop, Gérant du centre de Kolda.
Résultats tangibles
Au bout de quelques années, la vallée de l’Anambé est véritablement devenue l’un des plus grands fournisseurs de semences certifiées pour la riziculture pluviale au Sénégal. « En 2015, elle a fourni plus de 1 000 tonnes de semences de riz pluvial et en 2016, plus de 2 000 tonnes sont attendues, » a affirmé M. Moussa Baldé, Directeur général de la SODAGRI.
« L’initiative a apporté l’espoir aux producteurs de la FEPROBA, qui ont compris que la production de semences peut être une affaire rentable, » a-t-il ajouté. « Notre objectif est de fournir au moins 50 % des semences certifiées requises pour la riziculture pluviale au Sénégal d’ici 2017. »
Kolda nourrit Kolda en riz
Selon la FAO, le Sénégal a obtenu une récolte record de 906 000 tonnes de paddy (634 000 tonnes de riz usiné) en 2015, ce qui est supérieur de 62 % à la production de 2014. Elle projette qu’en 2016, le pays va collecter au moins 950 000 tonnes de paddy (665 000 tonnes de riz usiné).
Les producteurs de semences de l’Anambé ont sans aucun doute contribué au succès grandissant de la nouvelle stratégie du gouvernement et sont en train de tenir la promesse du slogan « Kolda nourrit Kolda » en riz. Ils désirent vivement faire plus. « Nous avons maintenant les politiques d’appui du gouvernement. Les producteurs peuvent nourrir le Sénégal sans aller chercher de l’aide à l’extérieur, » a déclaré Issa Baldé.
Lui et les autres membres de la FEPROBA ont demandé au gouvernement d’accroître les superficies irriguées puisqu’il existe une demande forte de la part du nombre grandissant de producteurs qui viennent dans l’Anambé après avoir été témoins du boom des semences. Ils aimeraient aussi avoir un centre de traitement des semences plus proche des sites de production et une usine de transformation du riz.
Pour Dr Diouf, l’expérience réussie de l’Anambé est une vision du gouvernement qui est devenue une réalité grâce à l’ensemble des partenaires de la recherche et du développement, y compris AfricaRice. « Nous avons pu assurer l’autosuffisance en riz à Kolda au bout de deux ans. Maintenant, nous ne parlons plus d’autosuffisance ici, mais de prospérité. Cela signifie que nous sommes passés à un niveau de développement plus élevé. »
Podcast : Savitri Mohapatra, R.Raman, AfricaRice
Mardi 22 novembre 2016
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