Sahibatou Gueye, Riziculteur, Saint Louis, Sénégal, "Explorer le potentiel du riz hybride en Afrique"
LE RIZ HYBRIDE : L’ALTERNATIVE POUR L’AFRIQUE
L’Afrique qui renferme un potentiel agricole considérable est souvent décrite comme le continent des contrastes. Les statistiques rizicoles illustrent un tel paradoxe. Les rendements rizicoles moyens estimés à près de 2 tonnes par ha figurent parmi les plus faibles au monde. Pourtant, l’Égypte en Afrique du Nord, a l’un des rendements rizicoles moyens les plus élevés dans le monde, avec près de 10 tonnes par ha.
Selon la FAO, les champs de riz en Égypte ont été boostés par l'utilisation de variétés hybrides et consanguines à haut rendement. L’Égypte est le seul pays en Afrique qui a mis au point avec succès plusieurs variétés de riz hybride dont le rendement atteint près de 12–14 tonnes par ha. Le pays a également élaboré une stratégie pour produire des hybrides tolérants à la salinité et à la sécheresse.
Il n’est pas surprenant que l’Égypte soit également le seul pays du continent à produire suffisamment de riz pour sa demande nationale, dont l’excédent est exporté. Le pays s’est inspiré de la Chine, où le riz hybride a contribué de manière significative à l’amélioration de la sécurité alimentaire, à la protection environnementale et à la création d’emplois depuis le début des années 1980.
Explorer le potentiel du riz hybride en Afrique
La plupart des pays africains sont encore loin d’être autosuffisants en matière de satisfaction de la demande nationale de riz. En 2013, l’Afrique importait 14 millions de tonnes de riz usiné à hauteur de 7,5 milliards de $US. Il est impérieux que le continent améliore la productivité rizicole et réduise sa forte dépendance sur les importations.
Issu de l’hétérosis (vigueur hybride), le riz hybride présente un avantage de 15–20 % comparé aux meilleures variétés consanguines cultivées dans les mêmes conditions. Le riz hybride peut permettre aux riziculteurs africains d’augmenter les rendements et la rentabilité du riz.
« Le riz hybride est également plus compétitif face aux adventices – une principale contrainte, particulièrement chez le riz semé directement, » a expliqué Dr Raafat El-Namaky, sélectionneur de riz hybride à AfricaRice.
La technologie du riz hybride est cependant confrontée à de grands défis. Les producteurs doivent acheter de nouvelles semences à chaque campagne. De plus, du fait du coût de production élevé des semences hybrides, les semences hybrides sont généralement très chères. Afin d’assurer leur viabilité économique, il est nécessaire d’augmenter les rendements de la production de semences hybrides (au moins 2–3 t/ha).
« La production de semences de riz hybride peut ainsi être une activité rentable. De plus, comme il requiert une main-d’œuvre importante, il peut également créer des emplois pour la jeunesse en Afrique, » ajoute Dr El-Namaky. Le riz hybride pourrait également permettre aux riziculteurs africains de s’habituer aux semences certifiées, car il est nécessaire de renouveler les semences tous les ans. « En Afrique, malgré la disponibilité des semences améliorées, la majorité des producteurs ont tendance à utiliser leurs propres variétés et semences. Cela se traduit par de faibles rendements. »
Riz hybride pour l’Afrique subsaharienne (ASS) : Stratégie d’AfricaRice
Projet Green Super Rice (GSR) : Depuis 2008, AfricaRice est impliqué dans l’évaluation des lignées de riz hybride chinois en ASS à travers le projet GSR qui vise à rendre les cultivars de riz chinois (variétés consanguines et hybrides) accessibles aux riziculteurs en Afrique et en Asie. Le projet est coordonné par l’Académie chinoise des sciences agricoles, l’Institut international de recherche sur le riz (IRRI) et AfricaRice.
Dans la première phase du projet, la plupart des cultivars chinois qui ont été évalués en ASS ont confirmé leur potentiel de rendement élevé, mais ont succombé aux insectes et maladies africains. Les seconde et troisième phases du projet respectivement utilisent le matériel génétique de riz africain et les lignées de GSR comme donneurs pour l’adaptation locale. Le projet dispense également des formations en production de semences de riz hybride.
Programme de sélection de riz hybride à AfricaRice : Pour répondre à l’engouement des États membres, AfricaRice a mis en place son propre programme de sélection de riz hybride en 2010 à sa station régionale à Saint-Louis, au Sénégal.
À ce jour, plus de 500 hybrides et leurs lignées parentales ont été mis au point et évalués à la station à Saint-Louis en conditions irriguées et de bas-fond pluvial. Près de 50 hybrides ont présenté un avantage de rendement de 15–20 % (1-1,5 t/ha) comparé au témoin consanguin.
« La plupart sont précoces (110–120 jours) et ont un rendement élevé (10–13 t/ha). Cela permettra aux producteurs d’obtenir des rendements élevés et de faire deux cultures par an, » a affirmé Dr El-Namaky. Il a ajouté que la plupart de ces hybrides ont de bonnes qualités en grain (moyen et long grain avec une teneur en amylose intermédiaire à élevée). Leur pourcentage d’usinage est plus de 67 comparé à 65 pour le témoin consanguin. Choix des producteurs
Plus de 100 producteurs qui ont participé aux sélections des hybrides pendant les trois dernières années ont manifesté leur intérêt pour ces hybrides. Des huit hybrides prometteurs sélectionnés par ces derniers à la station, quatre hybrides ont été cultivés sur de grandes parcelles de démonstration dans les champs des producteurs à Saint-Louis. Deux hybrides à rendement élevé et précoces – AR032H et AR051H (parfumé) – ont été sélectionnés en vue de leur homologation au Sénégal.
Lors de l’inspection des hybrides, Mme Sahibatou Gueye, une rizicultrice locale a affirmé, « je voudrais cultiver ce type de riz pour gagner plus d’argent. » Pour M. Abdoulaye Faye, un entrepreneur producteur, les hybrides doivent être mis à la disposition des producteurs dès que possible et accompagnés de mesures d’appui du gouvernement, et de la formation des producteurs en production semencière.
M. Omar N’daw Faye, responsable de l’Unité de sélection du riz à l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) a garanti que les hybrides sélectionnés seraient homologués très prochainement dans le pays. « Il est impérieux que nous renforcions notre capacité nationale en matière de technologie du riz hybride, afin que nous puissions appuyer nos paysans et producteurs de semences. »
Un important volet de la stratégie d’AfricaRice reste le renforcement des capacités en technologie du riz hybride des partenaires nationaux, des producteurs, des organisations non gouvernementales et du secteur privé. « Nous insistons sur le fait que les sociétés locales doivent être formées pour produire des semences hybrides dans la sous-région. Dans le cas contraire, si les semences proviennent d'Asie, les maladies du riz en Asie risquent de se propager par le biais des semences, » a affirmé Dr El-Namaky.
Un nouveau lot de riz hybride (avec des semences dont le rendement varie entre 2,0 – 3,5 t/ha) mis au point par AfricaRice est actuellement évalué par des sociétés semencières publiques et privées au Burkina Faso, au Kenya, au Mali, en Mauritanie, au Nigeria, au Sénégal, et en Ouganda. Une feuille de route a été élaborée en vue du test, de l’homologation et de la dissémination du riz hybride au Nigeria et au Mali. L’appui technique et la formation sur la production de riz hybride sont fournis.
Perspective
AfricaRice continuera d’apporter son appui dans des domaines clés en vue de la réussite du programme de riz hybride : création d’une industrie semencière efficiente, mise au point d’hybrides hautement performants et renforcement des capacités. Il fera également le plaidoyer en vue d’un partenariat public privé et de l’appui du gouvernement à la technologie du riz hybride en ASS.
AfricaRice renforce sa collaboration avec de nombreux partenaires, en particulier à travers sa participation au Consortium de développement du riz hybride (HRDC), coordonné par IRRI. HRDC compte renforcer la collaboration entre le secteur privé et public, et améliorer la dissémination de la technologie du riz hybride.
« Nous appelons tous les partenaires à travailler avec nous, en particulier le secteur privé, car il est plus expérimenté et a de plus grandes capacités dans ce domaine, » déclare Dr El-Namaky. AfricaRice reste convaincu que la technologie du riz hybride peut contribuer à mobiliser les investissements du secteur privé dans la recherche et le développement rizicoles en Afrique.
Video : Savitri Mohapatra, R.Raman, AfricaRice
28 juillet 2017
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